jeudi 11 juin 2015

À la recherche de la partie d'horreur parfaite: La peur c'est quoi?

Ça aurait pu être le premier billet sur le sujet. Peut-être que ça aurait être le premier billet sur le sujet. Peut-être que j'aurais dû enterrer les psychanalystes très très profonds et m'éviter le traumatisme que représente Freud… ou peut-être qu'il est déjà trop tard.

Il y a une chose que j'ai retenue de mon gymnase/lycée c'est qu'avant de disserter sur un sujet, on définit les termes. Alors hop, dictionnaire de psychologie, la peur c'est quoi?

Quoi?


Dans sa version la plus basique, la définition de la peur est : une « émotion déclenchée par une stimulation ayant valeur de danger pour l’organisme* ». Le déclenchement de l'émotion est suivi de divers symptômes physiques (accélération du coeur, transpiration, etc.) et par deux réactions opposées: courir très loin et très vite ou se transformer en statue. La première réaction a pour but de s'éloigner au plus vite du danger, la deuxième sert à éviter que le danger nous repère. S'ensuit ce qui se passe chimiquement dans le corps, mais ce n'est pas directement utile pour ce que nous comptons faire de cette définition.

Plus utiles, les psychopathologies liées à la peur.

Les Phobies: déclenchement de la peur par des stimulus non appropriés ou déclenchement d'une émotion bien trop forte par rapport au stimulus qui la déclenche.

L'angoisse: le sujet éprouve une peur prolongée sans raison apparente.

Bon on sait ce qu'est la peur et à quoi ça sert. Mais pourquoi que les humains aiment tellement ça avoir peur? Parce que ça fait un moment que ça dure, déjà pendant la Grèce antique on allait se faire peur au théâtre. Pourtant la peur c'est pas toujours agréable, on a tous été surpris un jour par quelqu'un qui s'était glissé derrière nous sans qu'on l'entende approcher, se retourner et voir quelqu'un là où il ne devrait y avoir personne, c'est pas drôle. D'ailleurs plus d'une personne dans le monde s'est un jour fait engueuler sur une variante de "Tu m'as fait peur, merde."


Pourquoi?


Une recherche approfondie sur le sujet (ahah, non en fait google a été mon ami sur ce coup) démontre avec une certitude de… allez, disons 70% (parce que mes sources se recoupent et citent des chercheurs), que la peur en milieu contrôlé (aller regarder un film d'horreur, monter dans le petit wagon des montagnes russes de son plein gré, etc.) crée un intense sentiment de peur ET de plaisir. En gros, vous vous faites peur, votre cerveau envoie le signale correspondant, mais comme l'humain est compliqué et que vous ne craignez pas vraiment pour votre vie, la réaction chimique s'accompagne de plaisir (pouvant aller jusqu'à la fameuse poussée d'adrénaline qui fait des amateurs de sport extrême des accros dans le sens le plus littéral du terme). De plus, au niveau sociologique, la peur renforce les liens sociaux avec les gens qui ont fait l'expérience d'une peur intense avec vous (les potes qui vont suivis au cinéma ou sur la montagne russe) et peut même être bénéfique pour l'estime de soi. Il y a donc plein de bonnes raisons pour se ficher une bonne frayeur.

Si on en croit toujours ma recherche sur internet, plus un article incroyable publié dans un livre dont j'ai depuis oublié le titre (qui contenait aussi un article sur la valeur des pokémons comme méthode d'enseignement de l'économie aux enfants, c'était épique) les différents genres de l'horreur ne parlent pas au même public. Les slasheurs (films gores où des adolescents se font tuer de manière violente par un tueur en série) parlent plutôt à un public masculin pour des raisons de mâle dominant et quelque chose à voir avec la chasse. L'horreur féminine est celle des films de fantômes.

JDR?


Que les joueurs aient peur pour leur perso, véritablement peur, le truc qui vient avec les symptômes physiques et la fuite ou la paralysie, me semble difficile. D'abord parce que, même si théoriquement le PJ c’est nous, le personnage reste fictif et la fiction évolue sur un plan différent des joueurs. Je crois bien qu'Olivier Caïra théorise ça dans ses Forges de la Fiction, un excellent livre sur le jeu de rôle que je recommande à ceux qui se demandent comment fonctionne notre hobby. Cette différence de plans est probablement semblable au fait d'assister à une fiction projetée sur un écran blanc. Nous nous identifions aux personnages du film jusqu'à un certain point, mais en restant conscient de la non-réalité de la fiction. S'ensuit que les phénomènes de plaisir et de resserrement social évoqués plus tôt soient aussi valables pour le JDR.


Il est donc possible de créer la peur jusqu'à un certain point. Et comme nos joueurs savent pertinemment ce qui les attend à une partie d'horreur, il est aussi possible de créer l'angoisse comme définie ci-dessus. Après tout, quelque chose va finir par attaquer les joueurs. Jusqu’à ce que ça arrive, tout est un danger potentiel et rien ne l’est vraiment, ce qui correspond à la peur sans cause précise qui est la définition de l’angoisse. Disons que ça commence avec de l’anxiété et que l’angoisse se réalise si le MJ parvient à vraiment convaincre les joueurs qu’ils vont y passer sans que ces derniers sachent à cause de quoi. La phobie? Moins sûr. Est-ce que ça compte si les joueurs décident que le danger viendra du fauteuil de la tante Mathurine?

Comment plonger les joueurs dans l'angoisse? Un début de réponse dans un billet précédent L'inquiétante étrangeté et puis, la prochaine fois, on reste dans la littérature et je me tape Epouvante et surnaturel en littérature de Lovecraft.



* Richelle, M., « Peur », Dictionnaire de psychologie, sous la dir. de R. Doron et F Parot, Paris, Quadrige, « Dicos Poche », 1991, p. 538-9.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire