jeudi 18 juin 2015

Hic sunt dracones

The only fantasy world map you'll ever need By EotBeholder on Deviantart
Pendant longtemps, ma relation aux cartes consistait à refuser d'être la personne chargée de dessiner celle du donjon dans lequel nous nous trouvions lors de nos parties de D&D. Beaucoup de travail pour rien, c'est l'opinion que j'en avais alors.

Si je continue de penser que dessiner une carte de donjon pour vaguement savoir où on en est de notre exploration ne sert à rien, j'ai changé d'avis sur les cartes en général. Des jeux comme On Mighty ThewsApocalypse World ou encore Oltréé m'ont appris qu'il y a non seulement des cartes utiles, mais une bonne façon de les utiliser.

De la bonne utilisation d'une carte



En JDR, le centre de la table est souvent colonisé par des bouteilles diverses, un ou deux paquets de chips et une quelques feuilles de papier arrachées d'un cahier, sur lesquelles apparaissent trois carrés pour représenter des maisons, quelques dés pour les éléments mobiles (joueurs, PNJs) et puis souvent des inscriptions vaguement lisibles genre "Gobelin -2 -3 -1 -2 -7 0" ou encore "statue du général" à côté d'un gribouillis. Souvent, ces oeuvres d'art moderne voient le jour après une déclaration du genre "mais c'est pas possible, la maison est devant toi je te dis, attend, je te le dessine. Tu verras mieux."
Paratime Donjon 037
Si je trouvais que nos cartes de donjon de D&D n'avaient aucune raison d'exister, c'est qu'elles ne servaient effectivement à rien. Si D&D a une longue tradition du carré à valeur d'1m50 de côté, c'est que ces cartes étaient utilisées lors des combats pour permettre aux joueurs de réclamer des attaques d'opportunité et calculer des portées de sort. Hors, les jeunes rôlistes que nous étions n'utilisaient pas assez bien les règles pour avoir besoin d'une aide visuelle (nous n'utilisons pas assez bien les règles pour que notre jeu mérite de s'appeler du D&D tout court). Les cartes devenaient inutiles pour nous joueurs et nous aurions pu nous contenter de déclarer au meneur que nous prenions la porte de droite ou le couloir de gauche et ce dernier pouvait tout aussi bien nous dire que la pièce était ronde ou carrée sans que cela change en rien notre façon de jouer. Par contre notre MJ aurait été bien en peine de faire sens de notre mélasse narrative s'il n'avait pas eu un rappel clair sous les yeux pour savoir quels monstres ou pièges faire intervenir à quel point de l'aventure.

Mais si le MJ a besoin d'une carte quand ses joueurs font du porte/monstre/trésor, pour plein d'autres joueurs, le lieu dans lequel se trouvent les personnages n'est pas important en lui même. Quelques mots suffisent à donner un contexte et préciser l'emplacement de chaque élément ne serait qu'une perte de temps. Si le MJ déclare: "vous êtes dans un salon richement meublé sans le moindre miroir, votre hôtesse à la peau très pâle ne semble pas pressée de tremper ses lèvres rouge sang dans son thé." Qu'importe aux joueurs de savoir la distance entre le canapé et la table la plus proche ou la disposition des étagères contre le mur? De même, si mes joueurs sont dans une ville, est-ce que ça leur apporte vraiment quelque chose de plus que je leur en fournisse le plan plutôt que de se mettre d'accord sur le fait qu'ils vont acheter de l'ail chez l'épicier le plus proche? Dans ce cas précis. Non. Par contre, on pourrait imaginer qu'une armée de vampires se balade en ville et que le choix des joueurs d'emprunter une rue plutôt qu'une autre aurait une incidence sur les évènements.

House 336 by Built4ever on Deviantart
Dans les jeux où la carte est créée en commun, cette dernière devient un outil intéressant de communication et de création de situations de jeu. Si on prend On Mighty Thews comme exemple, jeu où les joueurs et le MJ créent la carte de toutes pièces en plaçant sur une feuille blanche des lieux de leur choix, la carte peut devenir un dialogue du joueur au MJ consistant à dire "J'aimerai bien qu'il se passe ça." Si je veux une histoire de fantôme, je place le palais hanté de la concubine morte. Si je veux faire du porte/monstre/trésor, je place le labyrinthe du Minotaure. Si je veux une intrigue de cour, je place la cité des guildes marchandes. Si le joueur a de la chance, le MJ interprète correctement son message et lorsque les joueurs se rendront dans le lieu correspondant, ils pourront enquêter sur un fantôme, visiter un donjon ou participer à la politique des marchands.

De façon générale, il me semble qu'une carte est à la fois un support et un cadre pour l'imagination des joueurs. La carte définit des limites que les joueurs peuvent peupler plus facilement d'êtres, d'objets ou même de lieux. Elle met tout le monde d'accord sur une base commune tangible là où la fiction reste toujours plus malléable par le fait que, étant partagée, elle est forcément un peu différente pour chacun, mais aussi parce que certains détails peuvent êtres mentionnés et aussitôt oubliés. Une table tracée sur une carte existera tant que la carte pourra être regardée par un joueur. Une table fictive n'a d'existence que lorsqu'on pense à elle (et encore, la magie des mots faits qu'un objet peut être mentionné sans même que le MJ ou le joueur ne l'intègre pleinement dans son plan mental d'un lieu).

Quant à savoir si une carte était nécessaire pour votre partie, si personne ne veut la dessiner ou si elle s'est perdue sous un paquet de chips, la réponse est probablement non.

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